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Un hiver à Kuujjuaq dans le NunavikUn hiver à Kuujjuaq ? J’ai découvert Anne lorsque je me laissais aller à la découverte de voyageurs sur Twitter, j’ai été interpellé par l’une de ses publications et j’ai commencé à lire quelques textes sur son blog. Je trouvais son expérience incroyable et j’espérais qu’elle accepte de la partager sur Traversée d’un monde.

 

Interview – Anne, un hiver à Kuujjuaq dans le Nunavik

Qui n’a pas rêvé un jour de partir vers le Grand Nord Québécois et vivre dans une communauté inuite, c’est chose faite pour Anne. Elle est partie vivre durant un an au Nunavik. Après 4 mois là-bas, je l’interview sur son début de vie à Kuujjuaq au Nunavik.

 

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis une jeune trentenaire originaire du Sud de la France qui se questionne beaucoup sur la vie et l’être humain. Ça m’a menée à tenter d’aller à la rencontre de l’Autre plus d’une fois au cours des dernières années, non sans avoir essayé au préalable de rentrer dans le moule du métro-boulot-dodo parisien après mes études. Mais force fut de constater que cela n’était pas pour moi. Et c’est tant mieux.

Anne Sellès - Travailler à Kuujjuaq dans le Nunavik

 

Débutons par un petit point géographie, il peut arriver de confondre Nunavik et Nunavut. Peux-tu expliquer où se trouve le Nunavik et la différence avec le Nunavut ?

Le Canada compte dix provinces et trois territoires fédéraux. Le Québec est l’une des dix provinces (au même titre que l’Ontario ou l’Alberta, par exemple). Le Nunavut est l’un des trois territoires fédéraux (comme le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest). Le Nunavik, lui, est l’extrême nord du Québec, là où une majorité des Québécois pensent qu’il n’y a rien. Le Nunavik, c’est le « grand nord québécois » ; la population est composée à 90% d’Inuits qui sont donc, eux aussi, des Québécois. J’avais écrit un texte expliquant tout ceci quelques jours avant mon départ, puisque effectivement, une très grande majorité des gens au Québec ne font pas vraiment la différence, malheureusement, entre le Nunavut et le Nunavik.

 

Le Nunavik est-il facile d’accès ? (transports, coûts,…)

Le Nunavik est très difficile d’accès, dans le sens où il n’y a aucune route pour s’y rendre. L’avion est le seul moyen, et le billet coûte très cher depuis Montréal (2500$ en moyenne). Il n’y a pas non plus de route reliant les 14 villages du Nunavik entre eux. Les communautés vivent donc de façon très isolée, dans une région du monde où les conditions météorologiques sont extrêmes. À ce jour, il n’y a toujours pas de réseau cellulaire au Nunavik. L’impression d’être « seul(e) au monde » peut très vite prendre tout son sens, ici.

Hiver a Kuujjuaq dans le Nunavik

 

Pourquoi avoir choisi de partir au Nunavik ?

J’ai toujours été très attirée par les identités fortes. Le nord du Québec a commencé à m’intriguer dès mon arrivée au Canada en 2014. Et c’est un webdocumentaire, qui s’appelle Mes états nordiques, qui a été l’élément déclencheur. Je pense qu’au-delà de découvrir la culture, il y avait l’envie de vivre une expérience intense à tous les niveaux, et de continuer à « Aller voir ailleurs si j’y suis« , mon leitmotiv existentiel personnel depuis mon voyage de 2013.

 

Quelle a été ta première impression à ton arrivée à Kuujjuaq ?

L’arrivée est forcément spéciale. Quand tu survoles le village, juste avant l’atterrissage et que tu réalises que tu vas réellement vivre ici, tu ne peux que te dire : « wow, c’est magnifique ! », suivi d’un « mais qu’est-ce que je fous là ? ». Quatre mois après mon arrivée, c’est la même ambivalence qui m’accompagne tous les jours. Tout est très intense ici, nos sentiments et nos sens sont décuplés, c’est un surprenant travail sur soi que l’on fait (presque) sans s’en rendre compte !

 

Comment as-tu trouvé un emploi au Nunavik et quel est exactement ton travail à Kuujjuaq ?

C’est assez connu qu’il y a pas mal de jobs disponibles au Nunavik, en particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux. Je suivais la page Facebook Perspective Nunavik, qui est une page de recrutement dans ce domaine-là. On y trouve des offres d’emploi pour la Régie de la santé et des services sociaux du Nunavik, ainsi que pour les deux centres de santé de la région. À l’automne dernier, j’ai vu passer une offre d’emploi pour la Régie sur cette page Facebook ; un remplacement de congé maternité d’une année, sur un poste d’agente de communication. J’ai postulé et j’ai été prise. Je travaille donc pour la Régie de la santé et des services sociaux du Nunavik ; j’aide notamment les agents travaillant sur des dossiers de santé publique à communiquer auprès des populations.

Hiver a Kuujjuaq dans le Nunavik

 

Après 4 mois là-bas, comment trouves-tu la vie au Nunavik ?

C’est un peu difficile de répondre à cette question. Ce n’est pas tout blanc, ni tout noir. La vie ici est faite de nuances de gris, de persévérance, de calme, d’observation, d’écoute, et de remises en question. Je ne dirais pas « c’est trop super, j’adore », car ce n’est pas vrai. Pour de très nombreuses raisons personnelles, et liées à mes conditions d’emploi et à la vie « au Nord », il y a eu des hauts et des bas. Mais comme partout, tout dépend de notre état d’esprit et de notre façon de voir la vie. Une chose est certaine : j’ai fait le choix de venir ici et je ne le regrette pas. J’apprends tous les jours, sur moi, sur la culture et sur la nature humaine. Et c’est ça qui m’importe le plus.

 

D’ailleurs, comment se déroule un hiver au Nunavik ?

Je ne dirai plus jamais que l’hiver montréalais est long. Je suis en train d’expérimenter un véritable « hiver long » ; et un véritable hiver long, c’est quand il neige encore un 2 juin. Les pires températures que j’ai pu connaître cet hiver ont été de -55° avec le facteur vent. C’est froid, mais j’ai un solide équipement d’hiver. Les températures oscillent entre -15° et -35°, mais le facteur éolien change vraiment beaucoup la donne. Mieux vaut un -30° sans vent, qu’un sournois -25° avec des rafales glaciales qui fouettent le visage.

Hiver a Kuujjuaq dans le Nunavik

 

Tu vis donc à Kuujjuaq, que penses-tu de cette ville ?

Kuujjuaq n’est pas une ville mais un village. Il n’y a pas de ville au Nunavik. Nous sommes un peu moins de 3000 ici. Il y a deux réelles épiceries, un restaurant (qui a pris feu il y a quelques mois, il est donc fermé jusqu’à nouvel ordre), deux snacks, deux bars et une boutique de souvenirs. C’est tout. Il n’y a rien à « en penser » puisque ce n’est comparable avec rien d’autres et qu’il n’y a pas d’activités culturelles ou touristiques. Ici, on vit simplement : des maisons, quelques routes, et une nature à perte de vue.

 

As-tu eu l’occasion de découvrir d’autres lieux que Kuujjuaq ? Est-il facile de partir découvrir d’autres endroits du Nunavik ?

Non. Je vais faire une excursion en août dans le Parc national de Pingualuit. Il n’est pas facile de découvrir d’autres endroits au Nunavik. Comme dit précédemment, les billets d’avion coûtent très cher. S’offrir un week-end dans un Parc naturel est un investissement en soi.

Hiver a Kuujjuaq dans le Nunavik

 

Que fais-tu pour passer ton temps en l’absence d’un internet aussi régulier que par chez nous ?

Internet fonctionne bien, il est juste plus lent. Mais durant mon temps libre, je lis, j’écris, je regarde des séries, je travaille pour des clients que j’ai gardés de l’époque où j’étais « à mon compte », et surtout, je profite de la nature dès que je le peux. Nous avons un terrain de jeu immense partout autour de nous qui ne demande qu’à être exploré !

 

Comment vis-tu l’isolement du reste du monde et de tes proches, de cette vie différente au Nunavik ?

L’éloignement d’avec ma famille est le même que je sois au Nunavik ou à Montréal, ça ne change donc pas grand chose pour moi ni pour eux (ils sont en France). Pour les personnes restées à Montréal, c’est effectivement une autre problématique. C’est certain que de laisser des êtres chers à 2h30 et 2500 $CA d’avion n’est pas évident. Mais les conditions de travail au Nord sont appréciables : mon employeur me paye 4 aller-retours dans l’année pour Montréal. De plus, nous avons beaucoup de vacances, en comparaison avec les employeurs du reste du Québec qui n’offrent généralement que deux ou trois semaines par année.

Concernant l’éloignement du reste du monde, c’est parfois difficile quand on ne trouve pas tout ce que l’on veut à l’épicerie, quand on veut se faire un bon ciné ou découvrir un nouveau resto. Mais c’est un autre style de vie, et l’être humain a une fascinante capacité d’adaptation, j’en suis la preuve vivante.

Hiver a Kuujjuaq dans le Nunavik

 

Quel est le coût de la vie au Nunavik ?

Le coût de la vie est forcément plus cher, car tout arrive par avion. J’ai récemment écrit un texte dans lequel je parle de l’épicerie ; j’y explique notamment ironiquement qu’ « un brocoli qui a pris l’avion a bien plus de valeur qu’un brocoli qui a voyagé sur l’Autoroute 40 ». Mais des primes de vie chère sont prévues par nos employeurs pour pallier cette problématique-là. Je dois quand même avouer que j’ai changé mon alimentation depuis que je vis ici et surtout, je bois beaucoup moins d’alcool car il est excessivement cher (et pas très bon).

 

Vous pouvez retrouver les aventures d’Anne sur son blog, sa page facebook, son twitter ainsi que son Instagram.

 

Merci Anne pour le partage de ton expérience. Le Nunavik représente un peu un monde à part, un lieu à l’autre bout du monde, pour la plupart des personnes. Grâce à ton interview sur ton hiver à Kuujjuaq, nous en savons un peu plus. Je te souhaite bonne chance dans la suite de ton aventure au Nunavik. 

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